Rencontres à la piscine abandonnée de Bolso

Prendre un autre lieu abandonné. Reprendre un personnage déjà créé. Le faire rencontrer le personnage d'un autre…
Plus que deux auteurs pour cette écriture. Ils ont choisi tous les deux le même endroit, mais pas les mêmes personnages.
Ces moments d'écriture et de partage auront marqué notre confinement. Celui-ci s'estompe et nous amène à faire une pause. Des textes reviendront sans doute, à un autre rythme. Pour continuer notre mosaïque de mots !


Gérald et Amélie - Philippe d'Huart

Jeudi 7h30 : Entrainement de natation dans la piscine extérieure du Bolso.
Un groupe d’athlètes se réunit lors d’un stage de perfectionnement.

Amélie se sent accueillie à bras ouvert dans cette maison de l’eau, approuvée, consolée, exaucée, bénie et comme définitivement aimée. Gérald, acrobate circassien,  est son nouvel amour.
Amélie est une nageuse de compétition d’origine anglaise.
Gérald, au physique bien trempé, est très différent de Max, son premier amour, qui fut dissolu sous l’influence toxique de sa Tante.
Aujourd’hui dans un décor naturel époustouflant, un vieil homme, coach expérimenté en natation, prend la parole devant plusieurs jeunes sportifs.
« La nage fait d’avantage qu’élever ses disciples ; elle unit l’air et l’eau dans la beauté d’un geste. Elle polit mètre après mètre celui qui s’entraine » dit-il.
« Quand tu nages, Amélie, c’est ton corps qui pense, c’est le corps qui enseigne l’esprit. Nager est une prouesse de vie. Avec la nage on sait où on ne sait pas. Quand on le sait, c’est pour toujours» Il sourit.
Gérald ironise en regardant Amélie avec passion : « Quitter la terre ferme, glisser sur le reflet de l’eau, l’ourler, le corps suspendu entre 2 mondes, l’un liquide, l’autre aérien » murmure-t-il.
« C’est l’eau qui aime la nageuse, renchérit le vieil homme. Alors revenir à la pesanteur est parfois aussi héroïque que de prendre le large » vois-tu ?
 « Tu vois Gérald, lui dit-elle avec attention, la natation est un exercice aérobic de faible impact qui renforce dans ton cas les principaux groupes de muscles comme les épaules, le dos, les jambes, les abdominaux et les fessiers. Cependant, elle requiert énormément de mouvements et sollicite des muscles généralement inutilisés sur la terre ferme, elle nécessite beaucoup d’entrainements et d’exercices. ».
Le groupe de sportifs se met à l’eau pour l’exercice.
Le doux clapotis de la piscine extérieure du Bolso se veut rassurant. Le bâtiment principal trône fièrement sur l’ensemble du domaine de 160 hectares dans un décor ample et lumineux, bordé d’arbres sentinelles.


Jheronimus et la commissaire - Jeanne-Marie Hausman

Jheronimus frissonne. Ça fait maintenant de longues minutes qu’il attend. Il observe les nuages qui se reflètent dans l’eau de la piscine de Bolso. Le lieu est désert, abandonné aux affres du temps, mais il a gardé un certain charme. Jheronimus se sent bien dans cet océan d’eau et de nuages gris qui s’entremêlent à l’infini. Le vent soulève délicatement ses mèches bouclées brunes. Sa longue silhouette se dessine derrière les montants de la verrière dépouillée de ses précieuses vitres. Ce promontoire à l’architecture moderne surplombe le bassin carrelé de sa carcasse gris béton. L’étudiant, inquiet, gamberge. Il en a fait du chemin depuis le jour où il a commencé à recevoir les lettres du corbeau. Il se souvient, il revenait de son examen de théologie morale fondamentale. Le prof l’avait descendu, il avait mis la main sur une de ses œuvres satiriques autour de l’univers de Jheronimus Bosch. Puis il avait relevé la boite aux lettres et sa vie avait basculé.
Soudain, il l’aperçoit. Elle s’avance vers lui, avec de longues foulées énergiques, les cheveux blonds flottant dans sa nuque. Jhero frissonne. On l’avait prévenu : la commissaire est un vrai bonhomme !  Il plisse ses yeux, la détaillant davantage. Sa position en hauteur lui offre un point de vue intéressant. La policière est vêtue d’un long manteau rouge vermillon et de bottes noires. Un sac à main pratique, porté en bandoulière, tranche sur son pardessus, noir sur rouge. Son profil est à l’image de sa démarche, sec et anguleux, sans concession. L’étudiant esquisse un demi-sourire. On le lui avait bien dit. La commissaire n’a pas de nom, c’est LA commissaire et tous ceux qui se trouvent sur son chemin n’ont pas d’autre choix que de s’en écarter.
« Vous êtes venu seul ? » Jheronimus opine du chef. Il attend, il attend que la commissaire poursuive ses questions de sa belle voix d’alto bien timbrée. « Vous avez les preuves sur vous ? » Succincte, directe, efficace, la policière ne fait pas d’effets. Elle soutient le regard de son interlocuteur, elle attend une réponse. « Les preuves sont enfouies dans le cimetière des voitures de Chalon. » La policière contracte imperceptiblement les mâchoires. Jhero sent qu’il ferait bien de ne pas abuser de sa patience. Et en même temps, c’est tentant… Il lance un petit caillou dans la piscine. Il regarde un instant les ronds qui se dessinent dans l’eau. « Mais j’ai des photos. »

Commentaires

  1. Bonjour Philippe,

    C'est joliment écrit je veux dire par là que chaque mot est pensé et sculpté dans le texte comme on sculpte une pierre pour en faire une oeuvre d'art. Ces écrits sont un chef d'oeuvre magnifique, grandiose. J'ai beaucoup aimé le 2ème récit avec La commissaire et Jhéronimus car on a envie de connaitre la suite de l'histoire, c'est comme si le temps était suspendu sur le livre ou le récit.
    Par contre j'ai particulièrement apprécié dans le 1er récit la description et le dialogue des personnages de la piscine c'est majestueux et beaux.
    Félicitations aux auteurs, j'adore. Continuer sur votre lancé.
    Je te souhaite ainsi qu'à tes camarades écrivains bonne continuation.
    PS: J'ai commencé à lire ton livre " Promenade aux oiseaux", je ne manquerai pas de t'envoyer par e-mail mon retour.
    Belle journée à toi et à lundi chez Frédérique, si Dieu le veut.
    Bien à toi,
    Amicalement,
    Annie

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

L'escarpin vert… Roman policier

Un dimanche après-midi sur l’île de la Grande Jatte